J’en suis convaincu, voyager, vivre à l’étranger, se frotter à l’ailleurs peut-être un rempart contre l’obscurantisme et le repli de soi. La preuve.
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Cette montée de l’obscurantisme et du repli sur soi
Dans mon dernier bilan annuel, je vous parlais d’un sondage IFOP effectué auprès des jeunes en France. Un sondage qui fait froid dans le dos.
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Il a fait beaucoup parler de lui sur la montée de l’obscurantisme chez les plus jeunes.
C’est assez inquiétant pour l’avenir.
Pour résumer, le sondage montrait que parmi les 11-24 ans, un jeune sur six pense que la Terre Plate et un jeune sur quatre doutent de la théorie de l’évolution.
Sans surprise, c’est chez les catégories les plus aisées que l’on trouve les plus rationnels. Cependant, il semble que les études ne protègent pas complètement de ces croyances.
Alors, ce sondage reste à relativiser de part la façon dont les questions ont été posées. Et pour avoir vu une vidéo critique de La Tronche en Bisais dont je parle plus bas, la qualité méthodologique du sondage pose question.
Cela dit, au-delà de ce sondage médiatisé, clairement, on observe une montée de l’obscurantisme ces dernières années.
Comme le déclarait il y a peu l’historienne Marie Peltier : « Pendant longtemps, on n’a pas fait le lien politique entre les fake news sur internet, la défiance et la vie réelle des gens et on n’a pas réalisé que cette défiance s’engouffrait dans l’intime ».
La montée des fake news prit plus de place, mais à vrai dire, nous étions dans une forme de déni quant à son importance et son implication dans le réel et la politique. L’assaut du Capitol par les troupes de Trump en 2021 a été révélateur de se déni. Oui, cela peut déboucher sur une violence et avoir de graves conséquences. Nous avons vu un autre rappel il y a peu au Brésil.
Cette montée des histoires alternatives a été accélérée par la période du Covid. Période de repli, période de grande angoisse, des facteurs aggravant qui favorisent l’obscurantisme.
L’histoire montre qu’à chaque période d’incertitudes et d’angoisse, l’obscurantisme gagne du terrain. C’est humain.
Depuis quelques années, à chaque fois que je rentre en France, je vois cette évolution parmi certains de mes proches.
Amener le questionnement
Peut-on faire quelque chose ?
Faut-il faire quelque chose ?
Si un proche a un discours extrême, non rationnel, faut-il échanger avec lui ?
Dans la mesure où cela prend beaucoup de place dans votre relation, oui.
Dans ce cas, avez-vous vraiment le choix ?
Le résultat est déjà connu, ou presque, il ne va pas changer.
On peut lui conseiller des ouvrages, des articles.
On peut l’amener à se poser de bonnes questions.
À ce propos, je vous partage une liste de 10 questions à poser à votre interlocuteur.
Elle est tirée d’une vidéo de l’excellente chaine Youtube La Tronche en biais.
Dans cette vidéo, l’auteur analyse le récent documentaire à succès de Netflix «Ancient Apocalypse ».
Pour résumer le pitch, le journaliste Graham Hancock parcourt la planète et des sites archéologiques en réécrivant l’histoire.
Sa thèse : ces sites archéologiques ont été construits par une ancienne civilisation avancée blanche.
Rien que cela.
J’ai regardé moi-même les trois premiers épisodes avant de décrocher. Alors oui, c’est bien écrit et filmé, c’est efficace pour vendre son idée délirante.
Pour autant, j’ai repéré assez facilement les grosses ficelles utilisées dans ce genre d’approche et qu’on retrouve dans les questions suivantes. :
1.L’auteur est-il un spécialiste du sujet ?
2.L’auteur donne-t-il les sources de ses propos pour que l’on puisse aller vérifier les faits et la manière dont ils sont compris par les experts des domaines concernés ?
3.L’auteur donne-t-il un avis personnel ou fait-il appel aux connaissances établies ?
4.Le récit a-t-il une résonance idéologique ?
5. Que disent les experts de ce travail ?
6. Assiste-t-on à une démonstration ou à un scénario s’appuyant sur des éléments disparates ?
7. Le récit est-il totalement cohérent ? Le choix des éléments et événements utilisés pour faire la démonstration est-il justifié ?
8. L’interprétation des faits laisse-t-elle de la place aux hypothèses alternatives ? Explique-on pourquoi ces alternatives ne sont pas convaincantes ?
9. La méthode permettant de mettre à l’épreuve le récit proposé est-elle soulignée, mise en avant ou au contraire disqualifiée ?
10. L’auteur a-t-il un intérêt personnel (pécuniaire, idéologique, symbolique) à faire croire à son histoire ?
La force du voyage
Le voyage peut être aussi une solution.
Le repli sur soi, le communautarisme, engendre souvent une montée de l’obscurantisme, vous êtes alors plus sensible à des thèses disons étranges.
Or, l’altérité, cultiver les différences d’opinions, les différences toutes courtes, est une richesse.
On se rend compte d’ailleurs qu’il y a peu de vérité dans cette vie. Que beaucoup de nos croyances et comportements sont juste des conditionnements, voir des endoctrinements.
Un exercice à faire pour vous
Je vous propose un exercice : prenez un crayon et une feuille.
Faite la liste de vos croyances que vous pensez être à vous qui vous appartient. Demandez-vous pour chaque croyance si celle-ci vient vraiment de vous. D’où vient-elle ?
De vos proches, de votre enfance ou de votre famille, de la religion dans 90% des cas.
Est-ce que c’est une loi vraiment gravée quelque part ?
En quoi elle est sacrée ? En quoi est-elle vraie ?
C’est un exercice qui montre que la plupart de nos croyances reposent en fait sur pas grand-chose de vraiment tangible. On pourrait, si on veut vraiment, en changer facilement. Mais voilà, être lucide sur cela, c’est quelque chose qui est qui peut être assez angoissant pour la plupart d’entre nous.
L’être humain aime donner du sens à tout, l’esprit humain est câblé comme cela.
Il lui faut avoir l’illusion qu’il contrôle un tant soit peu sa vie et son destin.
Aussi, il a besoin de se reposer sur des certitudes, des règles. Et remettre en cause cela, c’est difficile.
J’ai moi-même un ami croyant qui a parfois une conception assez figée de certaines choses de la vie. Par exemple, une femme qui ne veut pas d’enfant a forcément un problème, il faut se marier avant d’en avoir, on ne se sépare pas bien sûr, etc.
Cela fait longtemps qu’il ne voyage plus. Il y a comme un repli que je vois depuis longtemps et qui semble s’être accéléré depuis le covid.
Un cercle vicieux
Je pense, non je suis sûr que le voyage ou le fait de vivre à l’étranger atténue ce risque, ce repli sur soi. Il protège d’une vision figée des choses. L’esprit reste plus flexible.
Il y a là un cercle non pas vertueux mais un cercle vicieux. Plus nous allons vers cette tendance à être dans le repli sur soi, moins nous allons avoir envie de voyager, de se frotter à d’autres réalités. Ce qui accentue encore le repli sur soi. Vous voyez le truc…
Alors, je ne dis pas que tous ceux qui voyagent et qui vivent à l’étranger ne peuvent pas partir dans des délires et un repli. La chose est bien sûr plus complexe. Oui, on peut se replier et s’isoler à l’autre bout du monde bien sûr.
J’ai une connaissance qui vit en Colombie depuis plus de 10 ans. Ces deux, trois dernières années, il a progressivement changé ses discours, avec une approche de plus en plus extrême.
Il est devenu disons un condensé de ce que l’on trouve par exemple sur Qanon ou autre. C’est même souvent incohérent et contradictoire, tant il mélange tout. Il se coupe des quelques amies qui lui restent. C’est triste.
Tout n’est pas aussi simple donc.
Cela dit, je l’ai observé souvent autour de moi les personnes que je rencontre sont loin de ces discours et croyances.
Il y a des chances que cet obscurantisme progresse encore dans les années à venir. Entre l’influence des réseaux sociaux et le développement de l’IA…
On peut déjà copier votre voix facilement à l’aide de sites basés sur l’intelligence artificielle, on peut créer des photos à partir de quelques mots, on peut créer des vidéos proches de la réalité.
Si déjà un grand nombre de personnes ne savent pas distinguer la réalité du fake, comment vont-ils faire quand ils vont bientôt voir ses « preuves » ?
Le combat contre l’obscurantisme, cela devrait être un combat de tous, dès que l’occasion se présente à nous.
Cette année, comme les années qui vont suivre.
Je pense qu’on ne peut pas prendre cela à la légère, avec détachement, sans se sentir concerné.
Car ces idées vont à un moment impacter votre vie, soyez en sûr. C’est 100% certain.
Vous allez le voir dans vos relations, dans des lois, dans votre liberté d’expression, dans la liberté d’être vous-même.
Et tout cela est déjà à l’œuvre.
Voyager, se frotter à la différence, à l’ailleurs, peut être un frein à cela.
Et vous, qu’en pensez-vous ?
source : https://www.instinct-voyageur.fr/le-voyage-bouclier-contre-cet-obscurantisme-qui-progresse/